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Hajime Isayama, le géant du manga

Une actualité de Libraires BD - Manga
Publié le 27/01/2023
Connaît-on réellement les définitions des mots paix et liberté ? Sommes-nous réellement assez forts pour apprendre de nos erreurs ? Les hommes parviennent-ils à tirer des leçons de leur Histoire ? Tous ces questionnements sont posés tout au long de “L’Attaque des Titan” ( 進撃の巨人, Shingeki no Kyojin, S.N.K.) l'œuvre colossale de Hajime Isayama, sans jamais de réelle réponse apportée.

C’est au travers du combat d’Eren Jäger et de ses compagnons que le lecteur va essayer de trouver des solutions, au travers de leur lutte contre les Titans anthropophages qui les forcent à vivre barricadés derrière de grands murs et les privent ainsi de liberté. Au début du récit, nos héros ne sont que de simples enfants désirant aller voir la mer au-delà des murs. Mais ce rêve tourne vite au cauchemar lorsque les murs de protection sont détruits par le Titan Cuirassé, laissant s’introduire des vagues sans fin de colosses. Eren assiste alors, impuissant, à la mort de sa mère, sauvagement déchiquetée et mangée sous yeux. De là provient la trame principale de l’histoire ; la volonté d’Eren Jäger de débarrasser le monde des Titans une bonne fois pour toute. 

Commence alors un récit d’action épique, aux intrigues guerrières et géopolitiques captivantes, aux travers desquelles notre héros devra survivre, s’endurcir, afin de partir à la recherche de ce qu’il pense être “la liberté”. Malgré ses incertitudes, Eren intègre les rangs du “bataillon d’exploration”, dont les hommes et les femmes se battent et sacrifient jusqu’à leur vie pour avancer en dehors des murs. Parfois en vain. Dans la cruauté de sa narration, S.N.K. aime exposer la vanité de certains sacrifices humains, celle des soldats qui meurent sur les champs de bataille, pris au piège dans les manigances de l’ennemi, ou à cause d'erreurs tactiques, n’ayant pour dernier réconfort que la peur, la souffrance et les regrets. S.N.K. parvient avec brio à exhiber l’effroyable terreur que rencontrent les personnages juste avant leur mort, ceux-là même qui, quelques instants auparavant, décidaient héroïquement de se sacrifier pour protéger leurs compagnons. En définitive, chacun, grand héros de guerre comme simple bleusaille, se retrouve impuissant et amer devant la mort.   


Pourtant, les soldats du bataillon d’exploration sont convaincus d’être sur la bonne voie, sûrs des valeurs qu’ils défendent, assurés de la justesse de leur combat, certains que leur ennemis font fausse route et ne répandent que misère, douleur et tristesse au nom du chaos et de l’anarchie. Et pourtant, ce que nous apprend S.N.K., c’est bien que durant les guerres, la mort et l’injustice sont toujours réciproques ; tout n’est qu’une question de point de vue, le bien et le mal finissent par se confondre et tout devient relatif. Les ennemis sont certes toujours en dehors des murs et des frontières qui nous séparent d'eux, mais aussi à l’intérieur, en nous-même. 

Et si c’était nous les méchants ? Ne serions-nous pas le mal à éradiquer, nous, dans notre quête inassouvissable de liberté ; peut-être sommes-nous de trop, tels des perturbateurs ingérables qu’il faut mettre en cage, des parias intouchables à isoler d’urgence entre quatre murs, pour protéger un monde fragile et à peine stable.  

Et pourtant, face aux injustices et au sang qui sont toujours de trop, on se doit bien se défendre, de défendre ses amis, sa famille, de se battre pour retrouver la liberté dont on nous a privé, quitte à donner son cœur et à sacrifier son âme sur l’hôtel de la paix comme le font Eren et ses compagnons. Après avoir guerroyé toute leur vie, convaincus d’avoir fait le bien, pensant s’être enfin défait du mal, ils vont se tenir à leur tour sur une montagne de cadavre, la route ensanglantée derrière eux s’est pavée de corps sans vie : ils sont devenus tout ce qu’ils ont toujours combattu, le mal en personne, les hommes à abattre, les oppresseurs. Et voilà que le cycle infini de la haine et de la vengeance est de nouveau relancé. Nous revoici au point de départ, qu’avons-nous appris ?

S.N.K. enseigne principalement à ne pas voir le monde de façon manichéenne, à nuancer sa vision du "bien et du mal”, à se mettre à la place d’autrui, en somme à savoir se montrer indulgent et magnanime, même face aux actes et aux êtres les plus sombres.


Enfin, les aficionados de l'œuvre et autres japonologues ne pourront pas vous parler de “l’Attaque des Titans” sans évoquer la question de la traduction du titre en français. La langue japonaise ne numérisant pas systématiquement ses noms ; “Shingeki no Kyojin” donne littéralement en français “les titans attaquants” ou “le titan attaquant”, permettant une interprétation bien plus large, qui se précise au fur et à mesure des chapitres. Le français “l’Attaque des Titans” est certes plus attrayant, mais c’est sans compter qu’il fallait connaître le déroulement complet de l’histoire pour traduire correctement le titre pré-figuratif et ambivalent. 


En bref, S.N.K. est avant tout une œuvre qui pose des questions et qui fait réfléchir ses lecteurs, tout en leur apportant un cocktail d’émotions fortes, entre effroi, dégoût, tiraillement, vengeance, le tout servi par un dessin et un scénario digne des plus grandes œuvres.
Un des plus grands manga. 

Manga et livres : "L'attaque des titans"