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Hérouville, un château au sommet du Rock

Publié le 19/05/2021
De 1970 à 1973, les musiciens les plus en vue de la scène Pop/Rock se donnent rendez-vous à une heure de Paris pour enregistrer sous le regard inspiré et bienveillant de Michel Magne des albums qui marqueront l'histoire de leur art.

En regardant ce château du XVIIIe siècle, il est difficile d’imaginer qu’il abritait autrefois l’un des studios d’enregistrement les plus connus de toute la France. De Pink Floyd à David Bowie, des Bee Gees à Iggy Pop, plusieurs artistes de renommée internationale sont venus ici enregistrer.  

Situé à seulement 40 kilomètres au nord-ouest de Paris, ce lieu était autrefois un centre de villégiature et un relais de messagerie. Il est connu pour avoir accueilli l'écrivain George Sand et le compositeur Frédéric Chopin pendant leur histoire d’amour.

Au début des années 1960 commence l’histoire du studio. Le nouveau propriétaire du château, le compositeur de musique de films Michel Magne, décide d’acheter le lieu en pensant le transformer en un espace de travail personnel. Pour financer la restauration du château, il travaille sans relâche à la production de nombreux films originaux tels que  Fantômas,  Les Tontons Flingueurs  et plusieurs autres films réalisés par Georges Lautner. Quelques années plus tard, en 1969, il reçoit les fonds et s'arrange pour construire également un studio d’enregistrement dans l’aile droite du château.

L’idée est d’utiliser cet espace pour collaborer avec d’autres musiciens et compositeurs tout en ayant tout le confort qu'on trouve chez soi. L’équipement du premier studio est assez basique : un magnétophone Ampex à quatre pistes et une vieille console pour la radiodiffusion. Les limites du matériel vont vite se faire sentir, il a besoin d’un peu plus que cela pour son travail, il décide alors de financer le reste de son équipement en transformant ce qui était censé être une sorte de « home studio » en un studio professionnel pour musiciens. Même à l’extérieur du studio, le Château d’Hérouville est un lieu de rêve, offrant 10 chambres à coucher pour le travail et l’hébergement, une piscine, un court de tennis et un vaste parc. A l’époque en France, un studio qui vante ce niveau de luxe est complètement révolutionnaire.

Il n'est pas superflu de rappeler que dans les années 50 et 60 dans notre pays, l’enregistrement d’un album était un peu compliqué. À l’époque, les studios étaient des entreprises extrêmement bureaucratiques qui exigeaient d’innombrables formulaires et notes de service, mais aussi beaucoup de formalités. Compte tenu de cette alternative, on comprend presque immédiatement pourquoi le Château d’Hérouville, beaucoup plus détendu, est devenu un haut lieu pour les artistes.

Les affaires au studio décollent au moment où Michel Magne décide d'enrôler Dominique Blanc-Francard, jeune preneur de son. Ses qualités reconnues et son réseau de contacts lancent le lieu. À l’été 1971, les Grateful Dead donnent un concert sur la pelouse du château après une rocambolesque annulation d'un festival prévu aux alentours.Tout le village est invité, policiers et gendarmes inclus, pour ce qui restera une des soirées les plus folles du Château, sous l'oeil attentif et organisateur de Marie Claude Calvet dont l'histoire d'amour avec Michel Magne est indissociable du destin des lieux.

Par la suite, quelques grandes personnalités musicales sont attirées à Hérouville pour enregistrer. Entre 1972 et 1973, Elton John enregistre Honky Château , Don’t Shoot MeI’m Only The Piano Player et Goodbye Yellow Brick Road.. En février 1972 et mars 1973, Pink Floyd enregistre Obscured by Clouds dans le studio Georges Sand. D’autres crédits célèbres incluent Cat Stevens, Marc Bolan et Magma. Au total, une trentaine d’albums sortent du studio du Château d’Hérouville pendant cette période.

Mais la gestion du lieu reste "artistique" et chaotique. Au début de l’été 1972, Michel Magne doit se résigner à collaborer avec Yves Chamberland, alors directeur des studios Davout de Paris. Les jours d’opulentes visites étoilées vont rapidement devenir rares, et l’équipe doit se serrer la ceinture pour faire face aux compressions budgétaires.

En seulement quelques mois, le château tombe en désuétude et tout le matériel audio du studio est volé ou détruit. Pourtant l’année suivante, le lieu accueille à la fois une console API et un magnétophone 24 pistes. Mais il faut attendre quatre années pour voir David Bowie, Iggy Pop et Brian Eno, mettrent sur bandes Low et The Idiot sous la tutelle du génial Tony Visconti. En 1977, ce sont les Bee Gees qui passent trois mois au château afin d'enregistrer une bonne partie des voix du célèbre album  Saturday Night Fever.

L'embellie est de courte durée. Au début des années 80, le château est vendu. Les tensions se multiplient entre le nouveau propriétaire et l’équipe qui continue à œuvrer en studio. Michel Magne est convoqué au tribunal. Dépressif, voyant l'œuvre de sa vie lui échapper et son amour s'envoler, il met fin à ses jours en 1984. Un an plus tard, c'est la fermeture des studios d’enregistrement.

Pendant près de deux décennies, Hérouville reste pratiquement abandonné. Puis, en 2015, trois musiciens passionnés, Jean Taxis, Thierry Guarracino et Stéphane Marchi, l’achètent avec pour mission de faire revivre l’espace légendaire.

Il serait trop long de citer les grands noms de la musique et les albums marquants qui sont passés dans ce lieu hors norme. Pour cela je vous invite à lire la superbe bande dessinée  Les Amants D'Hérouville, une histoire vraie  de Yann Le Quellec et Roman Ronzeau aux éditions Delcourt/ Mirages. Sans oublier le très documenté Hérouville, le château hanté du rock  de Laurent Jaoui aux éditions du Castor Astral qui vient juste de paraître.

 

A propos d'Hérouville

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