Survient aussi l'évocation de la dépression mélancolique vécue par l'auteur. Il la relate, à l'image de la totalité de l'ouvrage, de façon touchante dans un style efficace.
Il n'épargne ni lui, ni les autres, ni les lecteurs. Très beau roman.
Viviane Dorothy Maier est une photographe américaine. Née en 1926 et morte en 2009, sa production compte environ 150 000 photographies en noir et blanc et en couleur. Toute sa vie durant, elle travaille sur de nombreux sujets et son travail comprend aussi bien des autoportraits que des photos de villes, d'architectures, de rues, mais aussi et surtout des portraits pris sur le vif de ceux et celles qui les habitent, les traversent ou les hantent. Passionnée par sa discipline mais malheureusement condamnée à l’anonymat de son vivant, sa production ne fut découverte et valorisée qu’après son décès, aux alentours de 2010.
Cette étude exhaustive permet de retracer le parcours de vie de l’artiste, de son histoire familiale complexe et tragique à son travail de nourrice, en passant par ses débuts dans la photographie jusqu’à sa consécration posthume. Très bien documentée, elle donne accès à de nombreuses photos d'archives inédites et offre une vision détaillée de ce qui caractérisait le travail de Vivian. L’auteure s’attache également à évoquer certaines zones d’ombres de l’histoire de cette dernière, comme le destin de son grand-frère Carl ou celui de sa mère, Marie, des aspects qui n'avaient pas réellement été traités jusqu’alors dans les documentaires et travaux consacrés à la photographe.
Grégoire Kauffmann a 12 ans quand son père le journaliste Jean-Paul Kauffmann est enlevé au Liban avec le chercheur Michel Seurat. La captivité durera 3 ans. C’est la durée de cette captivité (de la nouvelle de l’enlèvement au retour de son père) que l’auteur choisit de raconter au travers d’un récit fruit de souvenirs personnels et d'une minutieuse recherche d'archives exhumées du comité des Amis de Jean-Paul Kauffmann (fondé dès 85 et qui rassembla des intellectuels de tous bords hormis le FN). Plusieurs fils narratifs s’entremêlent pour aborder cet événement intime et politique, drame personnel et collectif.
L’intime c’est l’absence du père, l’angoisse, le vide. C’est aussi la figure de la mère : figure féminine d'exception, militante infatigable. Mais l’intime, c’est aussi l’adolescence avec ses soucis et ses préoccupations amoureuses ou encore vestimentaires qui attestent que la vie continue malgré tout.
Le politique, ce sont les années 80 et plus spécifiquement de 85 à 88 décrites avec finesse et acuité. Les personnages politiques de l'époque prennent vie sous la plume de l'auteur, et le lecteur est réellement immergé dans la vie politique française de ces années-là avec un regard mordant dont ne se départ jamais l’auteur. Nous sommes en France à un moment charnière et palpitant : Francois Mitterrand s’apprête à perdre les élections, la cohabition avec la droite va débuter. Le pays connaît les grandes manifestations étudiantes de 86, le militantisme antiraciste. Le lecteur est également transporté dans les coulisses des négociations secrètes et des tractations diplomatiques qui finiront par mener à la libération de l'otage.
L’exposition médiatique de la famille évoquée sans cesse dans le récit pose aussi cette question épineuse de l’intime et du politique : si les médias télévisés et la presse omniprésentes jouent un rôle évident de soutien pour leur confrère enlevé, c'est aussi la surproduction d’images et d'articles en lien pour la fameuse course à l’audimat qui est soulevée.
Au-delà de la chronique passionnante des années 80, c’est un récit bouleversant sans complaisance que nous livre un auteur qui ne manque jamais d’humour et qui nous régale par une écriture rythmée et extrêmement vivante. Coup de coeur !