Chargement...
Chargement...

Bible, Torah, Coran : comment s'y retrouver ?

Une actualité de Rayon Sciences Humaines
Publié le 23/05/2016
Pour véritablement tenter de comprendre et connaître les trois religions monothéistes que sont la christianisme, le judaïsme et l'islam, il est indispensable d'aborder de près ce qui constitue le cœur de leur message, à savoir les textes sacrés, fondements scripturaires de ces trois courants religieux.
L'appellation "Religions du Livre" n'est pas qu'une formule de routine. C'est au contraire une réalité ontologique de leur identité, de leur force d'attraction et de leur pouvoir de transmission. Car si le livre vient parfois prendre la place d'une première tradition d'oralité, il permet de sauvegarder et préserver les paroles prophétiques de manière durable. Seules varient les traductions et les interprétations, mais le texte reste le témoignage essentiel d'un credo et d'une foi. Et si, dans chacun de ces trois courants, les Écritures diffèrent par leur origine, leur nature et leur contenu, elles n'en demeurent pas moins le cœur et l'essence d'une identité singulière et le point de repère intelligible d'une croyance religieuse que parfois les contingences culturelles et contextuelles peuvent distendre.
Voici donc, afin que le lecteur curieux ne se perde pas dans le dédale des diverses traductions, un aperçu des différentes versions disponibles de la Bible, de la Torah et du Coran.
TORAH ET BIBLE HÉBRAÏQUE
Nous avons coutume de résumer le livre sacré des juifs à la Torah, au point parfois d'en oublier que, depuis plus de 3000 ans, le texte de référence du judaïsme est la Bible, au sens premier du terme.
Car dans les traditions chrétiennes, si la Bible a incorporé deux corpus de textes différents, l'Ancien Testament et le Nouveau Testament, la Bible juive ne correspond qu'à l'Ancien Testament.
Ancien Testament, Ancienne Alliance ou Bible hébraïque, cette "bibliothèque", au sens étymologique du terme, désigne l'ensemble des écrits allant de la Genèse aux livres poétiques (le Cantique des Cantiques ou l'Ecclesiaste), en passant par les livres prophétiques, ou encore les psaumes. Une étrange et parfois incohérente compilation de textes assemblés les uns à côtés des autres, formant, pour les juifs, la Bible, et pour les chrétiens l'Ancien Testament. C'est plus précisément dans les cinq premiers livres de la Bible que la Révélation et les enseignements divins au fondement de la foi juive prennent leur source. À savoir la Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deuteronome avec, au centre, l'épisode fondateur de la vie de Moïse et l'exode du peuple hébreux vers la Terre Sainte. Le mot hébreux qui désigne ces cinq premiers livres est "Torah", que l'on traduit par "Loi", "Commandement" ou"Enseignement". Les chrétiens utilisent quant à eux le mot grec pentateuque pour nommer l'ensemble de ces cinq premiers livres bibliques. L'usage de ce mot remonte au IIIe siècle avant Jésus-Christ, à l'époque ou la Bible a été traduite en grec afin que la diaspora juive, en grande partie hellénisée et méconnaissant la langue hébraïque, puisse avoir accès aux Écritures. Il s'agit là de la toute première traduction de la Bible juive, que l'on a coutume d'appeler la Bible d'Alexandrie ou Septante car, selon la légende, 70 traducteurs se seraient réunis à Alexandrie pour donner naissance à cette toute nouvelle traduction. Ainsi, le Pentateuque, d'un point de vue bibliographique, fait surtout référence à cette version spécifiquement grecque de la bible hébraïque.

On parle plus généralement de Torah pour désigner le livre sacré des juifs.
Les Torahs disponibles en français sont éditées dans des versions bilingues hébreux-français, traduites sous l'égide du Grand Rabbinat de Paris.

BIBLES CHRÉTIENNES
Les juifs et les chrétiens ont une histoire commune. Le christianisme s'est construit sur la vie et les paroles d'un homme, Jésus, qui était juif et dont le message et les enseignements étaient inspirés par la lecture et l'étude de la Torah et de la Bible juive, celle que l'on nommera après lui l'Ancien Testament.
Les premiers témoins du Christ (le « Messie », « celui qui est béni »), et ses disciples ensuite, ont rassemblé des épisodes de sa vie et son message dans un ensemble de textes, les Évangiles, auxquels se sont rajoutés d'autres écrits fondateurs, comme les Actes des Apôtres, les lettres de Paul et l'Apocalypse de Jean. Ainsi est né le Nouveau Testament, ou la Nouvelle Alliance, celle que Jésus, après les prophètes qui l'ont précédé, a noué entre Dieu et les hommes.
La Bible chrétienne se compose donc de l'Ancien Testament et du Nouveau Testament, ce dernier possédant aux yeux des chrétiens un caractère particulièrement sacré puisqu'il est le lieu de la Révélation et des Mystères spécifiquement chrétiens, comme ceux de l'Incarnation et de la Résurrection.
Contrairement aux Bibles juives, il existe de nombreuses traductions de la bible chrétienne, qu'elles soient catholiques, protestantes ou orthodoxes.
Traductions catholiques:
C'est la traduction catholique par excellence, rédigée dans les années 1950, sous l'égide des dominicains de l'École Biblique de Jérusalem. C'est certainement la version la plus connue et la plus lue parmi les versions catholiques, mais qui peut-être "perd du terrain" devant l'autre grande traduction actuelle, qui est la TOB. La bible de Jérusalem est d'une grande rigueur exégétique et scientifique, et elle a été l'une des premières versions destinées à un grand public à réellement tenir compte des grandes découvertes archéologiques, notamment celles des années 1940 (Manuscrits de la Mer Morte et Nag Hammadi). Elle est solide par ses commentaires et rigoureuse par sa traduction, en revanche, elle est maintenant un peu "datée", notamment parce qu'elle n'a pas connu de nouvelle révision du texte depuis 20 ans, comme ça été le cas pour la TOB et la Traduction de la liturgie. Cela dit, on peut toujours la lire aujourd'hui, car les révisions de textes concernent essentiellement des détails de traduction qui intéressent surtout les spécialistes, peu les néophytes. Mais le texte peut paraître un peu austère, par rapport a d'autres traduction plus accessibles, comme la TOB.

2/ Traduction Officielle de la liturgie
C'est la version utilisée par les paroisses, et lue pendant la messe. Cette traduction est également utilisée pour les missels. Le texte est très simple et accessible, quitte à parfois un peu trop s'éloigner des textes originaux. Elle vient d'être révisée (2013).
En moins courant, il y a aussi la Nouvelle Traduction, chez Bayard, dirigée par Frédéric Boyer. Le style est moderne, plus littéraire, voire plus poétique. Parmi les intervenants, on trouve aussi bien des exégètes que des écrivains ou des poètes. Le texte est très beau, et la lecture très contemporaine. On peut facilement la conseiller pour une première lecture, mais c'est bien malgré tout bien d'avoir aussi à coté une traduction plus classique, comme la Jérusalem ou la TOB.
Autres Traductions...
Version datant des années 1970, la Traduction Œcuménique de la Bible se veut interconfessionnelle, la rédaction du texte ayant été confiée à des catholiques et des protestants. (Des orthodoxes se sont rajoutés lors de la révision de 2010). Le style est plus moderne, plus accessible, et moins "érudit" que la Jérusalem. C'est aussi la plus complète, car depuis sa révision de 2010, elle intègre quelques livres bibliques propres a la tradition orthodoxe, soit environ sept livres supplémentaires. La TOB est donc idéale pour une première découverte de la Bible.
Proche de l'hébreu original, cette traduction s'efforce d'être la plus littérale possible. Le rendu est donc assez difficile à lire, mais même si elle est exigeante, c'est une très belle traduction qui renoue avec le souffle premier des textes originaux.
Cette version, qui date des années 1970, a été réalisée par deux chanoines, Émile Osty et Joseph Trinquet. Le texte est donc très homogène dans sa traduction, et le travail de commentaire extrêmement rigoureux. Moins connue, elle mérite pourtant de s'y arrêter pour qui veut approfondir sa lecture de la Bible.
Datant du XVIIe,la fameuse "Bible de Port Royal" était la version la plus répandue au XVIIIeme siècle. Le style est daté, mais la langue reste extrêmement savoureuse. Témoin d'une époque cruciale, qui a vu notamment la montée des conflits générés par le jansénisme, cette traduction présente un immense intérêt historiographique.
Traductions protestantes

Les différences en terme de traduction entre les versions catholique et protestante sont devenues de moins en moins perceptibles au fil des révisions, en raison d'un esprit d'œcuménisme de plus en plus présent.
La principale différence concerne le nombre des livres retenus, les versions protestantes comportant moins de livres que les catholiques. Ces livres, qui sont appelés livres deutérocanoniques, ne figurent donc pas dans les versions protestantes car il sont considérés comme apocryphes. La version protestante utilisée par les Églises reformées de France et de Suisse (tradition calviniste), est celle de Louis Segond (fin XIXe siècle).
Il y a eu ensuite plusieurs révisions de la bible Segond au cours du XXe siècle jusqu'à la plus récente, la Segond 21. Le texte s'est beaucoup simplifié au fil des révisions.
La Segond est très facile d'accès, le texte est simple et a vraiment pour but de s'adresser au plus grand nombre.
LE LIVRE SACRÉ DES MUSULMANS : LE CORAN
L'autre grande religion de la Révélation est l'Islam, apparue sept siècles après le christianisme, en Arabie. Si l'Islam reconnaît dans sa généalogie la tradition prophétique juive et chrétienne, lignée dont son prophète Muhammad serait le dernier représentant, elle s'oppose théologiquement à la conception trinitaire du christianisme, et prône une totale adoration en un Dieu unique et indivisible.
À la différence du judaïsme et au christianisme, le livre sacré de l'Islam est ce qui marque de manière immédiate le moment de la Révélation, le texte ayant été dicté à Muhammad par l'ange Gabriel au nom de Dieu. Ainsi s'est peu à peu formé le Coran (la "Récitation"), au fil des différentes visions divines dont le prophète rapportait ensuite le contenu auprès de ses compagnons.
Le Coran se présente sous la forme d'un recueil de 6 226 versets répartis en 114 "sourates". Pour les musulmans, le Coran émane directement et littéralement de la parole divine, et se présente donc comme un texte pur et incréé, rédigé dans une langue arabe inimitable. Cette conception épiphanique du livre saint rend la tâche de la traduction singulière et théologiquement complexe.
Néanmoins, il existe plusieurs versions du Coran disponibles en français, avec parfois le texte arabe en regard. Certaines éditions peuvent également proposer une transcription phonétique de l'arabe à destination des personnes qui ne savent pas le lire.

Quelques très belles traductions du Coran...
Parmi les traductions "historiques" du Coran, celles qui ont fait date et sont devenues des versions incontournables, celle de Jacques Berque, modestement intitulée "Essai de traduction" représente un sommet dans l'historiographie coranique. Fruit de seize années de travail, le texte rend hommage à la profondeur mystique de la langue originelle, couplé à une véritable exigence de recherche et de documentation. Érudite et précise, la langue est soutenue, ce qui peut rendre la lecture parfois un peu difficile.
Citons également la traduction de l'islamologue Denise Masson éditée en 1967 chez Gallimard. Rompant avec un certain classicisme de traduction, sa version s'est fait remarquer par son souci de lisibilité et une grande modernité exégétique. Plus accessible que Jacques Berque, mais sans la rigueur scientifique ni le perfectionnisme linguistique.
Autre monument de traduction, la version de A.F.I. de Biberstein Kasimirski, orientaliste d'origine polonaise, qui au XIXe siècle réalisa l'une des premières grandes traductions françaises modernes du Coran. Si le style est un peu daté, la profondeur et la connaissance pointue en matière d'islamologie en font toujours une version de référence. À noter également la préface de Mohammed Arkoun, l'un des très grands penseurs de l'islam qui, bien qu'un peu technique, propose une analyse linguistique et sémantique du texte coranique rarement égalée.
Plus récente, la traduction de l'anthropologue Malek Chebel propose une version du Coran dont le projet est d'être très accessible sans pour autant faire l'économie de la double exigence exégétique et historico-critique. Projet amplement réussi, ce Coran est à conseiller pour une approche en douceur du livre saint.
Les traductions Al Bouraq
Les éditions Al Bouraq, créées en 1992, concentrent la production la plus importante du fonds en islam, partagée entre ouvrages de spiritualité, soufisme, textes de piété et autres écrits se rapportant à la Tradition (Sunna) et aux paroles du prophète (Hadith).
Les Corans occupent une place importante dans leur catalogue, à travers différentes éditions, formats, couleurs et reliures. Les traductions sont d'orientation plus confessionnelle et moins axées sur la recherche historico-critique comme celles mentionnées plus haut. La langue est simple, accessible et s'adapte plus à une pratique religieuse qu'à une découverte profane, notamment en raison de du peu de place qu'occupent les commentaires et l'appareil pratique.

Torah

Bibles catholiques

Bibles protestantes

Corans