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Sélection de livres

Les nouveautés en poésie

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Dossiers

Jacques Réda (1929-2024)

Le poète et homme de lettres nous a quittés ce lundi 30 septembre, à l'âge de 95 ans.

25ème printemps des poètes sous le signe de la "grâce"

Cette année, le Printemps des poètes est consacré à la “grâce”, thème riche de sens car il fait écho notamment à la grâce sensible (la beauté d’une personne, la joie) mais aussi à la grâce divine, la grâce sensuelle, la demande de grâce ou encore la gratitude éprouvée.

Coups de cœur

Erotiques : 69 poétesses de notre temps. Libre éloge de l'orgasme

Les températures estivales étant là, l’anthologie “Erotiques” qui vient de paraître aux éditions Bruno Doucey vient à point nommé !
Soixante-neuf poétesses contemporaines dont huit issues de la poésie classique, et de toutes origines géographiques ont été choisies pour laisser libre cours à toutes les couleurs des désirs et des plaisirs. Cette sensualité plurielle se saisit non seulement de toutes les cultures, et nous surprend par l’audace de certaines plumes, certaines lointaines dans le temps, et/ou qu’on ne pensait pas si libres. On peut certes se délecter du fameux sonnet XVIII de la lyonnaise Louise Labé datant du XVIe siècle qui débute ainsi :
“Baise m’encor, rebaise moy et baise : / Donne m’en un de tes plus savoureux, / Donne m’en un de tes plus amoureux : / Je t’en rendray quatre plus chaus que braise”

Puis on peut découvrir en miroir une extase analogue, assumée par la poétesse d’origine syrienne Maram al-Masri qui, exilée en France, revendique au XXIe siècle “une bouche qui raconte des histoires / qui clame des poèmes (...) une bouche qui désire / qui embrasse / et jouit”.

Longtemps bridées par les hommes censurant leur plaisir, quand ils ne se mettaient pas à leur place pour l’évoquer, les femmes réunies dans ce recueil prennent tous les risques pour affirmer ce droit universel et singulier à travers une écriture défaite de tout carcan, intensément charnelle et incendiaire comme le confesse sans détour dès 1957 la poétesse iranienne Forough Farrokhzad dans ce poème remis en lumière récemment dans le roman d’Abnousse Shalmani (“J’ai péché, péché dans le plaisir” chez Grasset) puis dans l’émission “La grande librairie” : 

“J’ai péché
J’ai péché dans une telle extase
Dans une étreinte chaude incandescente (...)
Je te désire toi amour de mon âme
Je te désire toi étreinte essentielle
Je te désire
Toi mon amour fou (...)
J’ai péché avec tant de plaisir (...)”

Dans un poème actuel et inédit, Marie Pavlenko semble donner voix et corps à toutes ces femmes : 

“nous sommes le pays / immense / la terre ferme / la terre promise (...) je te prête mon corps vibrant braise bûcher / je suis le pays / immense / un pays de chair et de sang / le pays infini / immense (...) ferme les yeux / enlace-moi / ta peau au goût de soleil / sous mes doigts / irradie”

Si certains poèmes amusent (il faut lire Rim Battal dans “Une fille facile” page 72 ou encore Coline Pierré dans “Viens là” page 75-77), d’autres rappellent la force originelle d’éros, cette pulsion de création, de vie et de (petite) mort, rappelée par la poétesse Audre Lorde en 1978 : 

“mon corps / grave dans ta chair / le poème / que tu fais de moi.
En te touchant je décroche l’heure magique / tandis que des feux de lune m’emplissent la gorge / je t’aime chair qui s’épanouit / je t’ai créée / et je t’ai prise recréée / en moi.”

et des dizaines d'étés dorés - jérôme leroy

"Je suis hébété de bonne humeur. / Je deviens complètement idiot. / C'est délicieux."
Entre la Grèce et la mer du Nord, la poésie de Jérôme Leroy évoque la sensualité des étés passés, ses ciels rosés et ses baigneuses blondes.
Le poète, parfois inquiet du temps qui passe, renonce gentiment à l'idée de le rattraper, et ravive le souvenir de trajets le long des départementales à la poursuite du bonheur et d'un premier amour, celle "aux lunettes noires remontées dans les cheveux".
Langueur, candeur et abandon de ces instants volés à l'infernale machine du quotidien et de "l'emploi du temps" : un livre qui se lit comme le journal d'un homme à la collecte de l'éphémère.

" 100 km

je vieillis
je n'écris pas
j'ai le sentiment d'avoir raté ma vie
je n'en suis même pas désespéré
je vais m'acheter un vélo
je vais mettre de la poésie dans les sacoches
je vais me cacher dans un repli du mont des flandres
il y aura des fleurs idiotes et douces aux noms inconnus
il y aura des nuages aimables et fessus dans le ciel bleu
je serai heureux de la virtuosité des poètes
je rirai de temps en temps comme un dément
je serai bien

le vélo dormira sur l'herbe avec du soleil sur les rayons "

Vivante

Découvrez une plume à l'image de Clara Ysé, guerrière et sensible
On commence à connaître la chanteuse Clara Ysé, auteur, compositrice, musicienne, révélée par son album Oceano Nox. En littérature, elle a déjà commis un roman, Mise à feu, récompensé par le Prix de la Vocation, et voici que nous la découvrons poète grâce aux éditions Seghers qui publient son premier recueil : Vivante

Vivante et vibrante, tour à tour lumineuse et sombre, la voix singulière de Clara Ysé donne à lire à la fois des blessures et des abîmes, des précipices et des joies sublimes, des morsures et des élans vers des ciels ouverts, des ombres porteuses de mort et des espoirs surgissants... Sa poésie est à son image, guerrière et sensible.

Rendez-vous jeudi 27 juin à 18h à la Station Ausone, au 8 rue de la Vieille Tour, pour échanger avec l'artiste. Nul doute que la rencontre sera intense !


Pour goûter à ses mots, et vous donner envie, voici quelques extraits choisis :

Notre incroyable fragilité m'attrape à la gorge
Il faut honorer ce miracle
Répété chaque jour
De ressembler aux lucioles 
Dans le ciel de mai

Apprenez-nous les chants qui traversent le temps
Comme des comètes furieuses

Prends la solitude et la nuit opaque
Traverse sans espérer trouver
Derrière la nuit
La source lumineuse de la nuit

Et alors peut-être
Tu rencontreras des galaxies 
De silex d'or et de silence


Les beaux jours et les autres

Si vous avez gardé votre âme d'enfant, alors ce recueil de poésie est pour vous !
Vous avez gardé votre âme d'enfant ? Alors, l'univers poétique et touchant de Julien Baer vous parlera à coeur ouvert, avec sa tendresse pétillante, son attention aux petits riens, l'air de rien, sa douceur, son humour des pirouettes...

L'éditeur le situe à juste titre dans la lignée de Prévert ou de Desnos, qui tous deux savaient écrire pour les enfants, c'est le cas aussi de Julien Baer, connu pour ses nombreux albums jeunesse. Et, cerise sur le gâteau, les dessins simples et délicats de Philippe Katerine, le chanteur, qui parsèment le recueil, font écho avec bonheur aux poèmes, à la manière d'un Sempé. Pour la petite histoire, Julien Baer a aussi composé des albums et des musiques de films, et ce n'est pas la première fois que Philippe Katerine illustre une oeuvre du poète, il faut croire que ces deux-là se sont bien trouvés. Pour en revenir au recueil, le titre prête déjà à sourire, car s'il faut l'expliquer  "La complexité de l'existence peut se résoudre en une formule simple : il y a les beaux jours et les autres."  

Voici donc quelques extraits de ces instantanés fragiles, décalés, mélancoliques, ou insolites.

Racines
On ne boit pas juste un verre d'eau
On boit aussi des nuages
Des orages, des ruisseaux

La mort
C'est un sujet délicat
N'en parlons pas

Sommeil
Où est on quand on dort  ?
Ni dedans ni dehors

Deux minutes de soleil en plus
S'il n'y a pas à l'horizon
De cirrus
De Stratus
De cumulomimbus
Ou de cirrocumulus
J'ai deux minutes de soleil
En plus

Laura, Lizzie & les hommes-gobelins

Une ode à la sororité et à la sensualité
Dans "Je serai le feu" (éditions La Ville brûle) Diglee nous avait fait découvrir cinquante poétesses françaises ou anglo-saxonnes du XIXe au XXI siècle comme autant de trésors cachés, dévoilés, exhumés de l'oubli dans lequel nombre d'entre elles étaient reléguées. Deux ans plus tard, et toujours avec la complicité de Clémentine Beauvais pour la traduction, une de ces femmes poète largement méconnue est à l’honneur : Christina Rossetti. 

Derrière le tissu rouge sang de la couverture aux lettres et dessins dorés, l’illustratrice nous rappelle dans un passionnant texte introductif la place importante de cette autrice dans la littérature victorienne du XIXème siècle. Si nous pouvons citer des romantiques anglais comme John Keats, William Blake ou Lord Byron, peu connaissent les poèmes de leurs consoeurs : les sœurs Brontë, Elizabeth Gaskell, ou cette Christina Rossetti pourtant incontournable outre-Manche. Diglee se procure à Londres son recueil le plus célèbre publié en 1862, "Goblin Market", et découvre “son atmosphère oppressante, saturée d’allusions sexuelles, [qui] m’a même troublée : Christina Rossetti connaissait donc la brûlure du désir et la dangerosité des hommes”. Fascinée chez cette “fille de la lune” par le mélange entre mysticisme, réclusion et sensualité, elle décide de nous partager ce poème entier pleinement rendu par la traduction libre et joyeusement “fruitée” de Clémentine Beauvais qui propose également le texte original à la fin du livre. 

Entrer dans le monde des deux sœurs, Laura l’intrépide et la sage Lizzie, c’est se refuser ou s’abandonner aux vertus paradisiaques et charnelles des fruits défendus par les gobelins, créatures qui peuvent revêtir bien des sens cachés. Mis en lumière par les volutes de Diglee et par les mots soigneusement choisis de Clémentine Beauvais, "Laura Lizzie & les hommes-gobelins" se prête à de multiples interprétations et publics, si bien qu’on pourrait croire qu’il vient d’être composé. Cent soixante ans plus tard, ce conte poétique n’a donc rien perdu de sa force subversive !

Qu'on leur donne le chaos

Une poésie à lire à voix haute. Un cri puissant et percutant. Qu'on leur donne le chaos !
Il est 4h18 à Londres. Dans la nuit sombre, sept individus ne dorment pas. Le monde contient trop, provoque trop pour réussir à dormir. Alors ces sept voix s'expriment dans ces ténèbres silencieuses, crient leur colère, racontent leur désenchantement face au futur de leur terre. Notre terre. Si précieuse et pourtant si meurtrie.

Les éditions de l'Arche, déjà à l'origine de la publication de Etreins-toi et Les Nouveaux anciens, permet une nouvelle fois à Kae Tempest de s'exprimer, de crier, de parler poésie. Qu'on leur donne le chaos, un titre clair, incisif et sans faux-semblant. Kae Tempest donne la parole à toute une génération désenchantée et inquiète pour leur avenir. Ce n'est pas un simple recueil de poésie, c'est une parole, un cri venu du coeur pour alerter, mettre en garde et réveiller. Nous réveiller de cette solitude oppressante, de ce monde sous tension prêt à exploser. 

Qu'on leur donne le chaos, une poésie à lire à voix haute, bouleversante, puissante, percutante, une véritable tempête à découvrir absolument !

"L'Europe est perdue
L'Amérique est perdue
Londres est perdue
et on crie encore victoire.

C'est le règne du non-sens
Et nous n'avons rien appris de l'histoire."

Tempest Kae, Qu'on leur donne le chaos, L'Arche, 2022, p.24

Poésie

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