Otl Aicher (1922-1991) est connu pour ses créations visuelles pour la compagnie aérienne Lufthansa et ses indémodables pictogrammes créés à l’occasion
des jeux olympiques de Munich en 1972.
Dans
chacun sa guerre il n’est pas question de
son œuvre graphique. Publié en 1985 à l’âge de 63 ans, Otl Aicher évoque son adolescence et ses années de jeune adulte sous le régime nazi.
Comment l’adéquation de la pensée et de l’action est-elle possible sous un régime d’embrigadement et de propagande systématique où la plus petite expression d’une pensée critique signifie l’exclusion sociale ou la mise à mort ? Très proche des membres de la
rose blanche, ces étudiants résistants exécutés en 1943 (il fut l’ami de Sophie Scholl et se maria avec sa sœur Inge Scholl), Otl Aicher a très vite choisi la stratégie du renard : non pas résister au risque d’une mort certaine, mais opter pour une action plus efficace comme cet animal «habile à s’adapter, à se masquer, à réussir sans attirer l’attention».
L’ouvrage est un récit poignant au cœur de la vie d’un écolier et d’un jeune soldat sous le régime nazi. Outre les récits circonstanciés de la vie d’un esprit libre et critique sous ce système totalitaire avec ce que cela comporte de sévices, d’humiliations, de dégoût de soi et des autres, l’ouvrage est ponctué de réflexions d’une acuité et d’une intransigeance intellectuelle rare : mises à l’épreuve en situation extrême des théories philosophiques, réflexions sur les causes de l’émergence du nazisme, questionnements critiques sur l’Etat, le Langage, le Christianisme, l’Amitié, l’Amour... Les passages de ses rencontres et de ses discussions avec Sophie Scholl et Inge Scholl sont à l’image de l’ouvrage : un propos sincère, sensible et bouleversant passé au crible d’une pensée honnête, sans concession, qui expose sans pathos le drame et la folie d’une époque. Le récit rocambolesque et hallucinant de sa désertion de l’armée clôt cet ouvrage beau et fort.