Déterminée à percer le mystère de la création littéraire, et à en faire son métier, Julia Kerninon a tout d’abord entrepris une thèse sur la littérature américaine pour étudier ceux qui ont contribué à entretenir le mythe du génie maudit.
En 2011, elle se penche sur les entretiens parus dans la prestigieuse The Paris Review, fondée en 1953 et plus particulièrement sur la série “Art of fiction” qui a réuni toutes les grandes plumes de leur temps : Allen Ginsberg, Jim Harrison, James Baldwin, William Burroughs, Toni Morrison, Jorge Luis Borges, Ian McEwan, Vladimir Nabokov, John Le Carré, Jean Genet, Italo Calvino, Marguerite Yourcenar…
L’étude minutieuse de ces discours d’écrivains et des mécanismes de l’interview amènent la chercheuse à décrypter la part de légende contrôlée par chacun sur leur vie et leur art. Pour elle, il ne s’agit pas tant de démêler le vrai du faux entre les propos et les biographies, que de mettre en lumière la part de fiction inhérente à leur pratique, ce qui légitime leur travail, accroît leur aura et assure leur postérité.
Bien que les illustres exemples ne manquent pas (Henri Miller, Truman Capote, Jack Kerouac...), Julia Kerninon s’attache dans cet essai à trois figures majeures des lettres américaines de la première moitié du XXe siècle qui ont reçu le prix Nobel de littérature : William Faulkner, Ernest Hemingway et John Steinbeck. Si tous ont succombé aux paradis artificiels (alcool, drogue) invoqués comme sources d’inspiration, chacun incarne une posture singulière de l’écrivain. Pourquoi l’homme de lettres Faulkner n’a-t-il cessé de se définir comme un paysan ? Hemingway était-il l’écrivain tout-puissant qu’il prétendait ? Que nous enseignent les succès et les échecs de Steinbeck ? Derrière la stratégie et les clichés se dévoile en filigrane leur propre définition de la littérature, ce qui passionne la doctorante autrice d'un essai sur sa vocation d’écrivaine,
Une activité respectable, et de romans remarquables :
Buvard,
Le dernier amour d’Attila Kiss,
Ma dévotion et
Liv Maria.
Nous sommes tous les auteurs de nos vies inventées et les auteurs ne dérogent pas à cette règle. Mais eux seuls font de ce fantasme une œuvre propre à faire rêver les lecteurs et à permettre aux écrivains en herbe, de forger à leur tour leur légende.