Il existe un endroit où les gens vont. Ils y vont sans savoir quoi y faire, mais ils s’y rendent, guidés par une force, un appel. Toujours par sept, c’est la seule chose certaine. Cet endroit est un immeuble. Au septième étage de ce bâtiment, vivent plusieurs personnes et notamment un vieil homme appelé Félix. Mais un soir, l’homme meurt mais a tout de même pris soin de laisser un message pour un petit garçon. Ce garçon, Isaac, habite au septième étage avec sa mère et l’enveloppe que lui a laissé Félix contient une clé et un mot. Ce mot : Us’uuul. Comme l’a dit Félix à Isaac avant de tragiquement disparaître, les mots et les noms ont un pouvoir et Us’uuul tout particulièrement. La nuit de la disparition de Félix, Isaac est introuvable et six résidents décident de s’enfoncer dans l’appartement de Félix devenu un escalier abyssal plongeant dans les sombres dédales d’un immeuble qui est peut-être plus qu’un simple bâtiment. Les esprits vont s’échauffer, des mots seront dit et le passé et le présent vont se confondre. Aucun des résidents ne sera plus jamais le même…
Dernière entrée dans l’univers des “Mythes de l’ossuaire”, Les résidents est un cauchemar absolu des plus réjouissant, magnifiquement illustré et brillamment scénarisé. Après Le passage et Des milliers de plumes noires, Jeff Lemire et Andrea Sorrentino étendent leur univers horrifique de la plus belle des manières. Après avoir suivi John Reed sur l’île du phare et Trish dans les méandres de son esprit d’écrivaine tourmentée, nous allons suivre Félix, le gardien des mythes de l’ossuaire. Après avoir manipulé la réalité à l’aide d’une divinité occulte pour tenter d’atteindre la cité d’argent (le point névralgique de la mythologie des mythes de l’ossuaire), Félix va plonger les sept habitants de l’étage sept dans une spirale destructrice ou chacun devra faire face à son côté le plus sombre.
Jeff Lemire nous montre enfin que les trois œuvres des mythes de l’ossuaire se déroulent dans le même univers et que chaque protagoniste dont nous avons fait la connaissance auparavant était d’une manière ou d’une autre influencé par une divinité de la cité d’argent. Mais pourquoi ? Dans quel but ? Tout comme nos résidents, les divinités obscures sont sept, et ces dernières tentent d’empêcher le réveil de leur maître. Une être fondateur de nos mythes qui se terre dans chacun d’entre nous, il attend une faille, il attend de nous envahir. C’est ce que raconte Les résidents, comment les ténèbres peuvent nous envahir et nous posséder et comment s’en débarrasser.
Graphiquement, Andrea Sorrentino livre une fois de plus un travail de haute volée. Une hybridation photoréaliste servant la création d’un univers halluciné qui ne vous laissera pas indemne. Chaque étage de la tour franchi est un pas de plus fait dans un enfer insondable peuplé de visions cauchemardesques jusqu’à atteindre un éden perdu qui n’est pas ce qu’il semble être. La construction des planches de Sorrentino est encore une fois un tour de force rappelant son travail de composition fascinant sur Gideon Falls.
Que dire de Les résidents ? Jeff Lemire et Andrea Sorrentino se sont dépassés pour proposer une extension d’un univers riche où nos pires cauchemars deviennent réalité. Une écriture magistrale et un graphisme dantesque au service, de ce qui deviendra pour sûr, une œuvre culte de la bande dessinée américaine.David Zimmerman a 33 ans et est photographe. Il vit seul et passe son temps libre avec son meilleur ami Harry. Le début de notre histoire se passe le 31 décembre, le soir, pendant le réveillon du nouvel an. David n’est pas très enthousiaste à l’idée de passer la soirée entouré d’inconnus et en présence de son ex-compagne. Mais lors de la soirée il reconnaît quelqu’un dans la foule, une jeune femme brune qu’il avait déjà remarqué lors d’un précédent travail quand il devait photographier deux heureux mariés. La belle brune travaillait comme serveuse et s’était esquivée suite à un petit incident. Drôle de coïncidence pour David. Mais ce dernier, trop obsédé par le souvenir de ce beau visage, décide d’aborder la jeune femme. S'ensuit une nuit passionnée où les deux corps échangent et se confondent.
Le lendemain matin, David se réveille avec un mal de tête abominable. Mais première chose étrange, il se réveille chez lui et non dans l’appartement de la veille. Et alors qu’il s’extirpe du lit, David croise son regard dans le miroir de la chambre. David n’est plus David, enfin si mais ce n’est plus son corps. David vient de se réveiller dans le corps de la belle inconnue. Après avoir réalisé que tout ceci n’est pas une hallucination ou un mauvais rêve, David va essayer de retrouver la propriétaire de son nouveau corps. Mais ce qu’il va découvrir tout au long de son enquête va perturber son monde et le plonger au cœur d’une spirale incontrôlable…
Lucas Harari et son frère Arthur s’associent pour nous livrer, avec Le cas David Zimmerman, un thriller fantastique et hypnotique de haute volée qui vous marquera longtemps même après avoir tourné la dernière page.
Génie graphique et scénaristique se trouvant derrière les succès de L’aimant et de La dernière rose de l’été, Lucas Harari revient nous marquer de son trait si particulier en brossant des personnages fragiles, durs et mystérieux. Foisonnant de détails d’une précision académique, presque chirurgicale, ses environnements ne sont pas en reste. Tout baigne dans une sorte de désespoir ambiant où les couleurs sombres illustrent à merveille l’état d’esprit des protagonistes perdus dans un brouillard opaque de mystères où les réponses tardent à venir. Plus le récit avance, plus le dessin de Lucas Harari épouse une palette grise et bleue enfermant un peu plus les personnages dans leur prison de chair.
Au scénario, Arthur Harari, auréolé de son succès sur l’excellent Anatomie d’une chute (sur lequel il a conjointement travaillé avec son épouse et réalisatrice du film, la talentueuse Justine Triet), livre une écriture incroyable, sensible et envoûtante. Nous lecteurs, sommes absorbés par ce mystère, celui de cet étrange changement de corps. Un mystère qui ne se limite pas qu’au simple cas David Zimmerman. Une bien belle et énigmatique enquête se met alors en marche. Mais au fond est-ce cela qui motive les personnages et le scénario ? La recherche de leur corps ? Ou est-ce plutôt l’acceptation de celui-ci ? Les pistes narratives décortiquent peu à peu la psychologie des personnages piégés par une force qui les dépassent.
Avec Le cas David Zimmerman, les frères Harari livrent un récit puissant qui de part son éclectisme et sa maîtrise des genres saura plaire au plus grand nombre tout en vous portant dans des territoires inconnus.