Bouddha fait partie de ces grandes figures de l’histoire qui, les siècles passant, ont fini par incarner cet étrange paradoxe : tout un chacun, au cours de sa vie, rencontre ce nom et ce qu’il représente sans toutefois presque rien connaitre de l’homme qui l’a endossé. Alors, de qui ou de quoi Bouddha est-il le nom ? Creusons un peu la question.
Poncée par la culture populaire au point de devenir, dans beaucoup d’esprits, une représentation impersonnelle et légèrement caricaturale, la figure de Bouddha cache cependant un homme qui a bel et bien vécu — ou du moins est-ce celui auquel nous faisons référence sans le savoir. Né au VIe siècle avant notre ère, Siddhârtha Gautama, de son vrai nom, fait l’objet d’une légende et d’un folklore tels qu’ils ont sans doute, avec le temps, largement pris le pas sur la réalité de ce qu’a réellement été sa vie. Nous savons qu’il était issu d’une famille aisée de la lignée des Shâkya, résidant à Kapilavastu, ville située dans l’actuel Népal. Il se serait marié à l’âge de 16 ans à la jeune Yashodharâ, de qui il aurait eu un fils nommé Râhula, avant de quitter son foyer quelques années plus tard en quête de délivrance. Il abandonne en chemin la voie de l’ascétisme pour se tourner vers la méditation et, âgé d’une trentaine d’années, finit par réaliser son Éveil. Le reste de sa vie, il le passera à prêcher de lieu en lieu, délivrant ses enseignements exclusivement à l’oral.
Aujourd’hui, écrits canoniques et non canoniques, courants et traductions divers se disputent les versions de l’histoire qui façonne sa légende. Sa naissance au sein d’une puissante famille et d’un vaste royaume, son enfance protégée et voluptueuse, ses sorties furtives hors du palais au cours desquelles il fait des rencontres successives ou la prédiction de son incroyable destinée sont autant d’épisodes essentiellement tributaires de détails hagiographiques apparus après sa mort et que rien ne permet d’attester. Il en va de même pour le récit de son Éveil.
Reste que Siddhârtha Gautama est à l’origine d’un très vaste mouvement religieux à vocation universelle, qui s’est solidement implanté en Asie méridionale, centrale et orientale, avant de s’étendre bien plus tard au monde occidental. Au cours de sa longue histoire, le Bouddhisme n’a cessé de vénérer la figure de son fondateur mais, bien qu’il soit aujourd’hui divinisé par la piété populaire, il ne serait ni le premier ni le seul bouddha ayant existé. Selon les textes des écoles anciennes du Bouddhisme, pas moins de six autres bouddhas l’auraient précédé. C’est que le terme désigne en réalité l’individu qui aurait reçu l’illumination parfaite permettant d’échapper au cycle des renaissances et ayant atteint le Nirvâna, état de délivrance totale. Mais qu’importent les diverses croyances sur les bouddhas passés ou à venir : seul le bouddha Shâkyamuni, du surnom qui permettait de le distinguer de ses prédécesseurs, continue de bénéficier d’une postérité sans égale.