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Jacques Lacan, une oeuvre vivante

Une actualité de Rayon Sciences Humaines
Publié le 10/09/2021
Cette année 2021 marque le double anniversaire, de la naissance et de la mort, de Jacques Lacan. A cette occasion, nous vous proposons de retrouver le parcours et l'œuvre de cette grande figure de la psychanalyse.
Jacques Lacan naît le 13 avril 1901 à Paris, ainé d’une fratrie de quatre enfants, élevé au sein d’une famille de la moyenne bourgeoisie et dans la religion catholique. Élève brillant, étudiant ambitieux, sa découverte de Spinoza dès l’âge de 14 ans s’avère un véritable tournant. Son appétence pour la philosophie achève, en quelques années, de l’éloigner des idées de son milieu et de sa foi, et ne cessera d’influencer ses travaux. Contre l’avis de son père, il choisira la médecine.

C’est en 1923 qu’il entend parler de Sigmund Freud pour la première fois. À cette époque, le jeune Lacan explore l’œuvre de Nietzsche et, déjà, s’interroge sur le langage et sa structure. Durant ses années d’internat, il finit par délaisser la neurologie pour la psychiatrie et s’initie à la linguistique pour analyser un cas de psychose, puis à la clinique des troubles du langage et au surréalisme. C’est sur fond de déchirements entre partisans et opposants de l’analyse profane — la psychanalyse exercée par des non médecins — que lui est confié l’examen du cas de Marguerite Pantaine, alias Aimée. La thèse qu’il soutient en 1932 s’inspire tant de ses conclusions que du solide socle de connaissances qu’il s’est forgé sur le plan intellectuel comme dans la pratique ; il glisse alors de la psychiatrie à la psychanalyse, empruntant à Freud et à ses disciples des concepts cliniques, invitant la psychiatrie française à faire évoluer certaines de ses positions. Elle reste cependant ignorée par la majorité de ses pairs, et c’est essentiellement à des personnalités du milieu artistique et littéraire qu’il devra ses retours les plus enthousiastes.

La psychanalyse qu’il a entamée quelques mois auparavant auprès de Rudolph Loewenstein accompagne un certain nombre de changements significatifs dans sa vie privée, professionnelle et intellectuelle. Il suit le séminaire d’Alexandre Kojève sur la phénoménologie hégélienne, dont beaucoup reconnaissent une influence certaine sur ses travaux, notamment à propos du désir. Renonçant à une carrière hospitalière pour se consacrer à la psychanalyse, il est admis en 1934 comme membre de la Société psychanalytique de Paris et entame la cure de son premier analysant. En 1936, il présente sa théorie sur le stade du miroir au cours du 14e congrès de l’Association psychanalytique internationale, qui se tient à Marienbad. N’ayant pas pu terminer sa présentation dans les dix minutes imparties, Lacan fait tout de même date : c’est la première fois que, au-delà d’une simple paraphrase de Freud, un intervenant y présente un concept original et se réfère à des savants non psychanalystes. Mais Lacan aura dû patienter jusqu’en 1938 pour obtenir une reconnaissance tardive de ses pairs, année à la fin de laquelle il est enfin titularisé par la Société psychanalytique de Paris. Rudolph Loewenstein ne lui pardonna jamais d’avoir mis un terme à sa psychanalyse une fois le sésame obtenu, lui qui n’avait accepté de soutenir sa candidature qu’à condition qu’il la poursuive.

Alors que l’Occupation s’installe, Lacan se refuse à publier ou à enseigner. Il se contente de poursuivre en privé son activité de psychanalyste, s’assurant une clientèle parmi ses relations mondaines dans le milieu intellectuel (Sartre, Beauvoir, Camus…) et prenant ses distances avec la psychanalyse de ses maîtres. Après guerre, il poursuit le développement de ses concepts et sera notamment marqué par les travaux de Claude Levi-Strauss, dont les éléments théoriques lui permettront d’aborder l'ensemble de la théorie freudienne sous un nouveau jour.

Après un long conflit interne, Lacan quitte la Société psychanalytique de Paris à la suite de ses confrères et consœurs démissionnaires pour intégrer la Société française de psychanalyse, qu’ils viennent tout juste de constituer. Il y consacre une partie de son temps à la formation d’élèves. Ses pratiques divisent : dans ce conflit larvé lui était déjà reprochée la durée variable de ses séances, allant à l’encontre d’une des normes de la pratique.

C’est en 1953 que Lacan entame une série de séminaires au cours desquels il exposera ses thèses et réflexions. Cette année-là sont mentionnés pour la première fois certains concepts et notions fondamentaux tels que le nom-du-père, le schéma regroupant les registres Réel, Symbolique et Imaginaire ou la mise en place d’une théorie structurale dans la cure. Il y fait par ailleurs explicitement référence à un retour aux textes freudiens par opposition à ce qui a pu être désigné comme l’orthodoxie de l’Association psychanalytique internationale, dont il continuera pourtant d’espérer la reconnaissance. Dans cette perspective, il n’aura de cesse de reprendre et de discuter les concepts freudiens.

Jusqu’à la dissolution de la Société française de psychanalyse en 1965, le paysage psychanalytique français connaît de grands changements. L’Association psychanalytique internationale persiste à refuser à la première son agrément, sauf à retirer à certains membres, dont Lacan, le titre de didacticien, qui les autorise à enseigner. Elle finit donc par éclater en 1964, séparant les lacaniens avec l’École freudienne de Paris et ceux qui ne les ont pas suivis avec l’Association psychanalytique de France. L’École jouit d’une célébrité qui ne laisse personne indifférent, suscitant éloges et critiques, profondément marquée par le style et la personnalité inimitables de son créateur. Lacan y poursuit son activité d’enseignement et ses travaux jusqu’en 1980, année de sa dissolution. Un an plus tard, à Paris, le 9 septembre 1981, il disparaît en laissant un carnet de rendez-vous plein.


Un dossier de Géraldine Lafont et Camille Vinau Lafitte

Les séminaires de Lacan

L'enseignement de Jacques Lacan est resté essentiellement oral, conformément à sa vision de la psychanalyse basée sur le colloque et sur l'émergence de la parole. La retranscription de ses séminaires, réalisée par son gendre Jacques-Alain Miller entre 1953 et 1980, est en cours.

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