Junji Ito est né en 1963 au Japon. Ayant commencé une carrière prometteuse de dentiste, Ito décide pendant les années 80 de se consacrer à un de ces récits fondateurs : Tomie.
C’est dans ce récit que Junji Ito va développer pour la première fois son thème de prédilection : le Body Horror !
Mais le Body horror qu’est ce donc ? Venant de l’anglais corps pour Body et horreur pour Horror, le Body Horror est un sous genre du genre horrifique pouvant se manifester dans la littérature, le cinéma mais aussi la bande dessinée.
Le premier exemple tangible de l’apparition du genre se trouve en littérature avec la publication en 1818 de Frankenstein de Mary Shelley.
En effet ce sous-genre peut se définir de part des effets très graphiques de déstructuration des corps en les faisant exploser, pourrir, se décomposer, se restructurer ou encore prendre des formes grotesques.
Les exemples les plus parlant de l’utilisation du Body Horror se trouvent dans le cinéma avec des chef-d'œuvre tels que The Thing de John Carpenter, Evil Dead de Sam Raimi ou encore Scanners et La Mouche de David Cronenberg.
Le manga n’est pas en reste avec des œuvres telles que Reversible Man ou encore Freak Island dans une moindre mesure.
Revenons donc à Junji Ito et tentons de découvrir en quoi son œuvre est un des chefs-d'œuvre du manga moderne.
Le genre horrifique est, depuis quelques années, devenu un prisme pour de nombreux artistes et auteurs. Un prisme d’expression qui permet dès les premiers instants de libérer un nombre incalculable d'images. Il n’est donc pas anodin que de nombreux jeunes créateurs se soient d’une première part exprimés par le biais de l’horreur : Clive Barker en littérature avec “Hellraiser”, Ari Aster au cinéma avec “Hérédité” et “Midsommar”, le studio Red Barrels avec les jeux “Outlast” et Junji Ito avec “Tomie”.
L’horreur, qu’elle soit en littérature, en bande dessinée, au cinéma ou même dans la sphère du jeu vidéo, est une constante complexe et compliquée à mettre en place. Elle est un outil puissant et qu’importe votre attirance pour la matière horrifique, elle arrivera toujours à créer une émotion forte chez son spectateur : de la fascination, du dégoût, de la peur… C’est ce qui la différencie de nombreux autres genres. Rares sont les genres arrivant à susciter un aussi large spectre de réaction face à une image, une phrase, une situation ou, plus globalement, un imaginaire.
Chez Junji Ito l’horreur prend différentes formes.
Dans “Tomie” il s’agit de body-horror pur avec une déconstruction méticuleuse d’un corps qui reprendra forme à volonté à partir d’un morceau, même infime, du corps humain détruit.
Dans “Spirale” c’est la désarticulation des corps et son infini déconstruction qui est mise en place avec des corps prenant des formes complètement grotesque le tout dirigé par un esprit possédé par un étrange motif. Dans le cas de “Spirale” l’horreur graphique rejoint l’horreur psychologique.
Dans “Gyo”, sûrement un des travaux les plus farfelus de l’auteur, c’est la transformation et la mutation des corps qui est mise en avant avec des poissons pourvu d’excroissances humaines comme des jambes ou encore des bras.
Dans l’adaptation de “La déchéance d’un homme”, Junji Ito livre un travail plus humain et plus intimiste en illustrant les déboires et cauchemars d’un homme perturbé et en proie à la folie suite à plusieurs traumatismes. Le portrait torturé d’un artiste maudit en devenir et malmené par une vie n’ayant pas grand chose à lui apporter.
Et enfin dans “Sensor”, Junji Ito tente une incursion dans son récit, celle des histoires ésotériques empreintes de cultes sectaires et d’apparitions extraterrestres.
Comme vous avez pu le constater, l'œuvre de monsieur Ito est extrêmement hétéroclite, véritable touche à tout et visionnaire il n’est pas sans rappeler des pionniers du genre horrifique comme Stephen King, Howard Phillips Lovecraft ou encore Clive Barker. Tous auront réussi l’exploit d’ajouter une pierre neuve au long chemin qu’est la fiction horrifique : King avec son sens du suspens singulier, Lovecraft et tout son pan d'imaginaire cosmique et cauchemardesque et enfin Clive Barker et la création du Splatterpunk, des corps meurtris et de l’introduction d’une certaine forme d’érotisme dans l’horreur.
Une horreur cosmique, aux proportions démesurées, sondant les tréfonds de l’esprit humain mais avant toute chose indescriptible, grotesque et indicible.