Nous n’avons d’abord, et pendant longtemps, eu que très peu de personnages féminins représentés dans les bandes dessinées. Ces représentations féminines étaient (et sont encore parfois) bien souvent stéréotypées et servent de faire-valoir aux personnages masculins au sein d’univers eux-mêmes, très masculins (pilotes d’avions, cow-boys, militaires, guerriers etc..). Notamment dans les BD populaires comme Spirou et/ou Tintin.
Les aventures d’Astérix en sont un bon exemple plutôt marquant puisque les femmes sont absentes du premier tome. Il faut attendre Le Devin en 1972 pour qu’elles aient le droit de goûter à la potion magique, et Le Cadeau de César en 1974 pour qu’elles prennent place au banquet final.
Ainsi, les femmes n’ont que très peu de modèles aussi bien au niveau des héroïnes que des auteures.
Si les personnages et les thématiques sont exclusivement visés pour les hommes, c’est également le cas de la production de bande dessinée constituée d’hommes. La BD est masculine, c’est historique.
"Le 9e Art est très longtemps resté fermé avec un petit nombre de maisons d'édition (Dargaud, Dupuis, Casterman, etc.) dirigées exclusivement par des hommes" Serge Ewenczyk,
créateur des Éditions çà et là.
Plusieurs pionnières et magazines spécialisés ont marqué le monde de la BD, aidant ainsi à faire évoluer les choses. C’est notamment le cas de Claire Bretécher, pour n’en citer qu’une, qui dès les années 70 fait “acte de féminisme en dessinant des héroïnes modernes éloignées des archétypes en masse imposées par la BD classique”. Un postulat assumé par la dessinatrice qui se moque des convenances esthétiques décidées par ses confrères.
C’est également le cas du magazine Ah!Nana, lancé par les humanoïdes associées. C’est un magazine écrit par des femmes, dans le but de représenter des femmes pour des femmes mais d’offrir également une place aux minorités bien souvent oubliées jusqu’à présent, comme les personnes LGBTQIA+, les personnes racisées etc..
Les années 1990-2000 marquent un profond changement au sein du 9e art. C’est dans ces années qu’on a pu voir fleurir un certain nombre d'éditeurs indépendants, à l’instar de l'Association (éditeur, notamment, de Marjane Satrapi et du succès de Persépolis) dans les années 1990, permettant enfin à la profession d’auteur.e de bande dessinée de se féminiser.
C’est aussi dans cette période, en 2000, que le FIBD décerna pour la première fois son Grand Prix à l’auteure Florence Cestac.
Nous pouvons également mentionner l’arrivée des mangas en France, qui entraîne une traduction plutôt massive de mangas pour femmes, les shôjo et josei.
Depuis, de nombreuses auteures sont arrivées sur la scène de la bande dessinée et connaissent un réel succès. Certaines sont même publiées à la fois chez des petits éditeurs et de grosses structures, notamment Lisa Mandel, Marion Montaigne, Liv Stromquist, Catherine Meurisse ou encore Camille Jourdy, etc. D’autres proviennent des nombreux blogs girly qui ont connu un réel succès phénoménal de quelques auteures femmes (Pénélope Bagieu, Margaux Motin...)
Force est de constater que l’arrivée de femmes dans le domaine sert également les récits qui nous permettent d’avoir accès à une autre forme de féminisme pour s’informer, s’interroger, déconstruire, s’identifier à des héroïnes ou à des femmes ayant marqué l’histoire.
Ainsi on note l’explosion d’œuvres féministes, écrites par des femmes, pour des femmes mais pas que. Le féminisme dans la BD, comme dans tous les arts, prend souvent le pli de déconstruire et de transmettre des messages, notamment éducatifs.
Les grandes catégories que nous pouvons relever aujourd’hui sont le féminisme par le biais de l’humour, le féminisme nous parlant de nos ancêtres, le féminisme qui s’écrit par la fiction, le féminisme qui s’empare des œuvres de genre, le féminisme pour les plus jeunes et enfin, la documentation à visée pédagogique.