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Pierre Legendre, "conservateur rebelle"

Une actualité de Marion B.
Publié le 06/03/2023
Pierre Legendre, le “conservateur rebelle”, intellectuel de premier ordre, historien du droit, philosophe et psychanalyste vient de nous quitter, laissant derrière lui une œuvre considérable.

Pierre Legendre, le “conservateur rebelle”, intellectuel de premier ordre, historien du droit, philosophe et psychanalyste vient de nous quitter, laissant derrière lui une œuvre considérable.


Né le 15 juin 1930, Pierre Legendre, juriste de formation, soutient une thèse en histoire du droit romain et du droit canonique en 1957. Étudiant brillant, il est reçu premier à l’agrégation d’histoire du droit la même année et enseigne le droit en tant que professeur des universités pendant 40 ans de 1958 à 1998 à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Poursuivant ses recherches et éditant des manuscrits latins médiévaux, il travaillera également sur l’histoire des formes de l’Etat. Directeur d’études à la prestigieuse École pratique des hautes études à la section des sciences religieuses de 1978 à 1998, il fonde et dirige un laboratoire européen pour l’étude de la filiation. Il adhère en 1974 à l'École freudienne de Paris, Lacan est l’un de ses admirateurs, et étudie les fondements du langage et l’ordre généalogique des sociétés humaines.

Au croisement de plusieurs disciplines et savoirs, il établit ce qu’il nomme l’anthropologie dogmatique, “élaborée [...] en réaction à la pensée positiviste de l’Occident gestionnaire, [il y] dévoile les fondements de son système institutionnel et ses origines historiques. Pour cela, il inscrit la techno-science-économie contemporaine dans une logique ininterrompue qui caractérise la culture occidentale, notamment depuis son creuset médiéval des XIIe-XIIIe siècles [et] se penche sur le destin du droit qu’il voit comme l’interface où se nouent le biologique, le social et l’inconscient, constituant ainsi, et marchant dans les pas de Freud, l’identité du sujet ainsi que de la culture. Il révèle dans quelle mesure la politique moderne, d’apparence sécularisée, suit toujours la logique théologique, et désormais, théo-technologique. [...] Analysant “l’animal humain doué de parole” et son rôle dans une société considérée comme un Texte, il dévoile le besoin d’un attachement “amoureux” des citoyens aux institutions, et met au jour le rôle fondamental de l’esthétique dans le fonctionnement du système juridico-institutionnel”*. Dans le prolongement de ce travail théorique, il collabore à plusieurs reprises avec Gérald Caillat et Pierre-Olivier Bardet en mettant en images ses objets de réflexion avec pour “but [de] filmer une pensée”**.


“Conservateur rebelle” comme le décrit sa consoeur Elisabeth Roudinesco dans un vibrant hommage paru dans les pages du Monde, il suscite la critique d’intellectuels comme Didier Fassin et Bruno Perreau quant à ses positions tranchantes concernant les revendications des homosexuels à faire famille. Au-delà des critiques politiques et des divergences théoriques, celui qui n’a “cessé de dénoncer toutes les expériences dites “nihilistes” du XXè siècle”*** a produit une œuvre foisonnante, complexe et féconde, traduite en plusieurs langues et qui continue d’inspirer  nombre d’auteurs aux rangs desquels Jean-Claude Michéa, Alain Supiot ou Olivier Rey. 


*Introductions à l'œuvre de Pierre Legendre, présentation de K. Becker et P. Musso, éditions Le marteau sans maître

** https://arsdogmatica.com/oeuvres/films/

*** Article du Monde du 6 mars 2023, Elisabeth Roudinesco

Une sélection dans l'oeuvre de Pierre Legendre